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COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA SEANCE PLENIERE DU SAMEDI 19 NOVEMBRE 2022
Ordre du jour : Déclaration de politique générale de la transition de Son Excellence Monsieur Apollinaire Joachimson KYELEM de Tambela, Premier ministre, Chef du gouvernement.
Président de séance :
Monsieur Ousmane BOUGOUMA
Président de l’Assemblée législative de transition
Secrétaires de séance :
– Monsieur Y. Fayçal Harold THIOMBIANO
Secrétaire du bureau d’âge
– Madame Séphorah Anita Soumaï TRAORE
Secrétaire du bureau d’âge
Ordre du jour : Déclaration de politique générale de la transition de Son Excellence Monsieur Apollinaire Joachimson KYELEM de Tambela, Premier ministre, Chef du gouvernement.
La séance plénière du samedi 19 novembre 2022 s’est ouverte à 10 heures 06 minutes.
Avant de commencer la séance, l’hymne national, le Di-taa-Niyé, a été chanté avec l’accompagnement de la Garde nationale, suivi de l’observation d’un temps de recueillement en souvenir des illustres disparus de la Nation.
Son Excellence Monsieur Apollinaire Joachimson KYELEM de Tambela, Premier ministre, Chef du gouvernement était accompagné de ses ministres. Etaient également présents à cette séance, des présidents d’institutions, des membres du corps diplomatique et des représentants des organisations internationales et interafricaines.
1. Le quorum
La vérification des présences a donné le quorum suivant :
– absents excusés : 02
– absent non excusé : 01
– présents : 67
– procurations : 02
– votants : 69
2. Les annonces
Les députés ont été informés que par décision n°2022-027/CC du 18 novembre 2022, le Conseil constitutionnel a décidé que la résolution n°003-2022/ALT du 14 novembre 2022 portant Règlement de l’Assemblée législative de transition est conforme à la Constitution, à l’exception du point 2 de son article 156.
Par conséquent, cette disposition doit être reformulée pour se conformer aux dispositions de l’article 63 de la Constitution, notamment les alinéas 5 et 6 qui disposent que : « Cette déclaration est suivie de débats et donne lieu à un vote. L’adoption de cette déclaration vaut investiture ».
3. La Déclaration du Premier ministre
A l’entame de sa déclaration, le Premier ministre, Chef du gouvernement, a également demandé à la plénière d’observer une minute de silence en mémoire de toutes les victimes du terrorisme.
Il a ensuite témoigné sa reconnaissance à l’endroit du Président du Faso pour avoir placé sa confiance en lui, afin de conduire l’action gouvernementale et a félicité les députés pour la validation de leur mandat à l’ALT. Il a rappelé que les circonstances qui ont conduit à la rectification de la transition font d’eux des députés de mission et non de gestion, et qu’ensemble, ils doivent rendre le Burkina Faso aux Burkinabè.
Il a précisé qu’il y a des actions à mener pour répondre aux aspirations du peuple à travers les points suivants :
– le recouvrement de l’intégrité territoriale et la sécurisation des populations ;
– le bien-être des Burkinabè ;
– la refondation de la société.
Pour le recouvrement de l’intégrité territoriale et de la sécurisation des populations, cela consistera, pour le gouvernement :
– à la réorganisation de l’armée pour la rendre plus opérationnelle et plus efficace avec des moyens matériels, financiers, humains, culturels et spirituels ;
– au respect des valeurs qui permettra de repérer, isoler, cibler et traiter les éléments égarés comme il se doit ;
– à la mise en place d’un plan de réponse et de soutien aux personnes vulnérables, à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition, étant donné le nombre élevé de personnes déplacées internes ;
– à la mise en place d’un plan d’appui à la campagne agricole de saison sèche où sont attendues 60.000 tonnes de céréales et 20.000 tonnes de produits maraichers. Des intrants et des équipements seront accordés aux producteurs en général et aux personnes déplacées internes en particulier. Aussi, un projet de redressement de la filière avicole est en cours ;
– à une meilleure appropriation du code de la route par les citoyens et une application rigoureuse des différents textes encadrant la circulation routière, ainsi que l’éradication de l’incivisme dans les cités et les espaces publics.
Concernant le bien-être des Burkinabè, le Premier ministre a relevé qu’il faudra créer une société harmonieuse avec la participation de tous en encourageant la consommation locale, à travers les domaines suivants :
– l’agriculture : revaloriser la production du coton et innover dans la recherche de moyens de conservation des productions agricoles ;
– l’élevage : limiter la sortie du territoire du bétail sur pieds, afin de mettre à la disposition de la population suffisamment de viande de meilleure qualité pour la consommation nationale ; des peaux de qualité en abondance et des ateliers de tannage aux artisans ; de l’engrais pour l’agriculture et enfin des animaux de trait et du lait pour la population ;
– les infrastructures routières et ferroviaires : étant donné que le développement passe par la route, le Premier ministre a indiqué la nécessité de réaliser le projet de construction du chemin de fer Accra-Ouaga et a souhaité d’entreprendre un partenariat avec le Mali dans ce sens. Dans le domaine routier, il convient de construire des routes dans les zones sous pression terroriste ;
– la santé : limiter les évacuations sanitaires et construire un système de santé performant pour tous ;
– l’éducation : l’enseignement doit faire place à l’éducation. Le gouvernement veillera à l’innovation des écoles de formation des enseignants et à l’introduction, à partir du cours moyen, d’une initiation à l’agriculture, à l’élevage, au tissage et à la cuisine, puis à partir de la 4e, une initiation à la mécanique, à l’informatique, à la maçonnerie, à la menuiserie, à la couture, à la peinture, à la musique et au théâtre ;
– la culture : le gouvernement veillera à encourager l’éclosion et l’émancipation des cultures locales et l’appropriation de leur propre culture par les citoyens ;
– le sport : le gouvernement entend encourager les activités culturelles et sportives dans les quartiers et les villages ;
– l’organisation sociale : un comité de veille et de développement sera mis en place afin de permettre aux citoyens de prendre en main leur destin.
S’agissant de la refondation de la société, le Premier ministre a affirmé qu’il ne saurait y avoir de cohésion sociale dans une société gangrénée par la corruption, une spéculation foncière non encadrée et une gouvernance inadaptée. Pour cela, il faudra :
– lutter contre la corruption : le gouvernement procèdera à la digitalisation des procédures et au traitement des dossiers litigieux ;
– lutter contre la spéculation financière : un recensement sera fait, ainsi qu’une digitalisation du foncier et une étude sur le plafonnement des prix pour les parcelles à usage d’habitation sera réalisée ;
– revoir la gouvernance : il faudra concevoir un système politique adapté à nos réalités historiques, culturelles et sociales en élaborant une constitution innovante, si le temps le permet. Aussi, une décentralisation effective permettra de résoudre les problèmes de voirie, d’électricité, d’assainissement et de sécurité publique à venir. Enfin, le gouvernement promet une meilleure redistribution des ressources du pays ;
– en matière de politique étrangère, le Premier ministre a affirmé que le Burkina reste un pays ami pour tous les pays qui acceptent son amitié et il renforcera les liens d’amitié avec tous les pays pour le bonheur des peuples.
Pour terminer, il a précisé que les chantiers sont immenses et urgents et qu’il ose croire que ce que le temps de la transition ne permettra pas de faire, sera parachevé par la prochaine équipe. Il a ajouté que le combat sera en priorité pour mettre fin au terrorisme au Burkina Faso, recouvrer l’intégrité territoriale, améliorer la qualité de vie, refonder la société et redonner la fierté, ainsi que la dignité à tous les Burkinabè.
4. Le débat général
4.1. Les questions et les préoccupations des députés
L’essentiel du débat a porté sur les domaines suivants :
– la gouvernance ;
– l’humanitaire ;
– la jeunesse et les femmes ;
– la sécurité ;
– l’éducation et la formation professionnelle ;
– le développement ;
– les infrastructures routières.
(La séance plénière a été suspendue à 14 heures 03 minutes pour permettre au Premier ministre de préparer ses éléments de réponse. La reprise est intervenue à 15 heures 58 minutes avec les éléments de réponse du Premier ministre apportés aux différentes questions et préoccupations des députés).
4.2. Les réponses du Chef du gouvernement
En matière de gouvernance
Concernant le chronogramme de la transition, des négociations ont été déjà conclues avec la CEDEAO et un calendrier a été établi. Actuellement, la CENI travaille sur le chronogramme des élections. Le gouvernement rassure la classe politique du retour de notre pays à l’Etat de droit. Cependant, tout dépendra de la victoire de la lutte contre le terrorisme. La tenue d’élections inclusives et incontestées ne pourra se faire que dans un climat sécurisé.
Par rapport à la suspension des partis politiques, le Chef du gouvernement demande aux partis politiques de permettre que la transition puisse travailler sereinement. L’opération de recrutement des VDP, lancée par le gouvernement, ne doit pas être influencée par l’appartenance à tel parti ou formation politique. Il a affirmé que la reprise des activités politiques est inopportune durant la transition.
Parlant de la diversification des partenaires, une stratégie est en cours, en vue d’explorer les partenaires potentiels. L’élargissement des partenaires permettra d’éviter la domination de certains d’entre eux.
S’agissant de l’existence d’accords portant atteinte à la souveraineté du pays, il a mentionné que dans la conclusion des traités et des accords internationaux, la souveraineté de chaque pays est préservée. Mais dans leur mise en œuvre, des dominations pourraient se révéler ; tout dépend des dirigeants en place. Pour cela, il faut des dirigeants assez vigilants et soucieux de la souveraineté du pays. En l’état actuel, aucun partenaire ne porte atteinte à notre souveraineté.
A propos de la garantie contre la remise en cause des acquis de la transition, le Chef du gouvernement a affirmé qu’aucune garantie n’existe. Si les actions de la transition répondent aux aspirations du peuple, leur remise en cause par les nouvelles autorités ne pourra se faire qu’avec la volonté du peuple.
Au sujet des assises nationales, il a souligné qu’il faut la mise en place des structures, notamment les comités locaux de veille et de développement, avant la tenue de celles-ci.
En ce qui concerne l’harmonisation du traitement des VDP au même titre que les FDS, il a relevé que les VDP et les FDS n’ayant pas reçu la même formation, leurs traitements ne pourraient être harmonisés.
En matière humanitaire
Par rapport au sort des veuves et des orphelins des soldats tombés, le Premier ministre a affirmé que le concubinage constitue un frein à l’assistance des femmes par l’Etat, surtout si celles-ci n’ont pas de progéniture avec les soldats tombés au front.
Pour ce qui est de la situation des personnes handicapées face à la crise sécuritaire, une refondation de la société s’impose. Chaque citoyen doit être en mesure de prendre en charge son parent handicapé.
En matière de la jeunesse
S’agissant de l’employabilité à court terme des jeunes diplômés, la mise en œuvre du programme du gouvernement permettra de résorber le chômage des jeunes. Au primaire et au secondaire, des modules sur les métiers et l’agriculture seront dispensés aux élèves. Ainsi, dès la fin de ces cycles, les élèves pourront s’exercer dans les métiers.
En termes de formation, l’accent sera mis sur l’introduction, dès l’école primaire, de modules d’apprentissage de métiers qui va concerner, notamment l’agriculture, le tissage, la menuiserie, l’élevage, la cuisine, etc. Au secondaire, il s’agira de la formation professionnalisante aux métiers et il est prévu la construction d’établissements spécifiques y relatifs.
A propos des mesures prises pour empêcher l’enrôlement des jeunes par les groupes terroristes, deux mesures s’imposent. Il s’agit de l’augmentation de la rémunération des VDP et la mise en place des comités locaux de veille et de développement.
En matière de sécurité
Sur la non contribution de la police municipale à la lutte contre l’insécurité, des instructions ont été données par le Chef de l’Etat, le Capitaine Ibrahim TRAORE, afin que les textes régissant la police municipale soient revus dans le sens de leur implication dans cette lutte.
Quant à la contribution de la chefferie coutumière, il lui sera fait appel, aussi bien dans la lutte contre le terrorisme, que dans les défis majeurs qu’il faudrait affronter.
S’agissant des mesures prises pour assécher les ressources financières des terroristes, il faut lutter en priorité contre la vente et la consommation des stupéfiants et la fraude dans le domaine de l’or, du carburant, etc. Cependant, le gouvernement à lui seul ne peut rien contre ce phénomène, d’où la nécessité d’une mobilisation générale.
En matière d’éducation et de formation professionnelle
Pour résoudre la question du chevauchement des années dans les universités, la méthode adoptée consiste à accueillir les nouveaux bacheliers de façon régulière en année normale ; par contre, les anciens étudiants concernés par le chevauchement poursuivront leurs études jusqu’à ce qu’ils aient terminé.
En matière de développement
Pour ce qui est de la revue des domaines transférés aux collectivités, le gouvernement est dans la dynamique de doter les collectivités de moyens conséquents afin de déployer toutes leurs potentialités et prouver leurs capacités.
Concernant les mesures sécuritaires prises pour la campagne agricole sèche, il est mis en place un projet d’une valeur de 11 milliards de francs CFA et les zones identifiées pour recevoir l’investissement sont déjà sécurisées. En outre, les personnes déplacées internes sont prises en compte par ce projet.
La question des stocks céréaliers avec l’existence de zones excédentaires et de zones déficitaires pose le problème du développement lié à l’existence de routes. Raison pour laquelle, la priorité est actuellement réservée aux zones à défis sécuritaires qui sont généralement difficiles d’accès par manque justement de routes.
S’agissant de l’acquisition des charrues et bœufs à prix subventionnés, le problème qui se pose est qu’avec la subvention, les prix deviennent plus bas au niveau du pays, ce qui amène les paysans à aller revendre leurs acquisitions dans les pays où cela se vend plus cher. Mais, avec la digitalisation en cours, il y aura une traçabilité de toutes les marchandises, ce qui permettra de faire un suivi et de lutter ainsi contre cette corruption.
Concernant la création d’une usine de production d’engrais, le Burkina Faso en produit déjà. Il y a même la bouse de vache qu’utilisaient nos ancêtres qui est un très bon engrais naturel et sans effets secondaires qui peut être exploité. Enfin, la construction d’une usine d’engrais à Koupéla, d’une capacité de 720 tonnes par jour, est en cours.
Quant à la réouverture du marché à bétail de Djibo, c’est le niveau sécuritaire de la zone qui va commander cela, pour ne pas exposer des vies humaines. Une fois que les lieux seront sécurisés, les activités pourront être reprises normalement.
En matière d’infrastructures routières.
Concernant le projet du chemin de fer Ouagadougou-Kaya-Tambao, qui comprend Niamey-Cotonou-Lomé, il est pris en compte par un nouveau projet qui est en cours d’étude. Cependant, il présente des difficultés, raison pour laquelle il est envisagé le projet Bobo-Dioulasso- Sikasso- Bamako, afin d’une part, de diversifier les sources, et d’autre part, de susciter la concurrence et avoir plus d’ouverture.
(La séance a été de nouveau suspendue à 17 heures 07 minutes, afin de permettre aux groupes constitués de se concerter pour d’éventuelles consignes de vote. La séance a été reprise à 17 heures 31 minutes).
5. Le vote
Sur la Déclaration du Premier ministre, le Président a demandé aux députés de s’exprimer à travers un scrutin à bulletin secret à la tribune dont les résultats ont été les suivants :
– 64 voix « pour » ;
– 04 voix « contre » ;
– 01 abstention.
Au regard des résultats, l’adoption de cette déclaration vaut investiture du Premier ministre, qui a reçu les félicitations du Président et des membres de l’ALT.
La prochaine séance plénière est annoncée pour le mardi 22 novembre 2022 à 10 heures et sera consacrée à l’élection des membres du Bureau de l’ALT et à la mise en place des commissions générales.
La séance plénière a pris fin à18 heures 13 minutes.
Ouagadougou, le 21 novembre 2022.
Le Président de séance
Ousmane BOUGOUMA
Président de l’ALT
La Secrétaire de séance
Séphorah Anita Soumaï TRAORE